2° confinement semaine 1
Bonsoir à tous et à toutes,
Je me suis longuement interrogée depuis le début de ce 2° confinement : vais-je recommencer mes lettres de blogueuse, ou bien vais-je laisser le silence s’installer entre nous, alors que je sais que certains d’entrevous ont apprécié mon bavardage qui rompait leur solitude, qui atténuait leur peur ou leur colère ………après une longue réflexion, j’ai décidé de repartir pour un tour et de vous donner des nouvelles chaque semaine ….. nous vivons une époque particulièrement préoccupante, sur bon nombre de sujets…..la fonte des glaciers ,la chaleur de cet été hors norme, la disparition de certaines espèces ,les chefs d’état qui n’en sont pas , des politiques en qui on ne peut plus avoir confiance ,etc, etc la liste est longue !
Vous devez vous dire que si je commence ma lettre par ces idées quelque peu noires , cela va à l’encontre du but que je me suis fixé : c’est-à-dire vous faire penser à autre chose pendant un petit moment !
Mais aujourd’hui est un jour particulier , un jour où l’on a beaucoup parlé des enseignants et de leur métier…. Vous le savez , j’ai été enseignante durant plus de 40 ans et je n’ai jamais regretté ce choix ! Le moment que j’ai toujours trouvé extraordinaire c’était le moment où je fermais la porte de ma classe, après avoir fait rentrer mes élèves …. Chaque heure et chaque classe était différentes des précédentes …. Tous les jeunes que j’ai eu la chance d’avoir en face de moi m’ont apporté au moins autant que moi je pouvais leur apporter ….. c’est vrai que j’avais des matières qui me permettaient d’avoir des liens privilégiés avec eux : j’ai pu faire des voyages en Italie et en Grèce pour leur faire découvrir ces civilisations antiques, j’ai créé un atelier théâtre pour leur donner le goût de la littérature, en leur permettant d’avoir accès à de s textes souvent inconnus ou méconnus .. …. Mais je pense que le métier d’enseignant au XXI° siècle est bien différent de celui que j’ai connu ……les jeunes sont toujours aussi intéressants et intéressés , me disent mes anciens collègues, mais les parents ont pris une place trop importante…… on ne peut plus punir les élèves sans provoquer un tollé de la part de leurs parents ! Que faire alors ?
Mais là , ce qui s’est passé le jour des vacances de la Toussaint, ne peut laisser personne indifférent , et surtout quelqu’un qui est passé par les lycées et les collèges ! Peut-être que cela va permettre une re-connaissance de ce métier où l’on trouve des hommes et des femmes, entièrement dévoués à leur tâche, une re-connaissance par les plus hauts placés dans l’Etat….
Et pour terminer , je vous confie ce texte d’une humoriste , mais qui a été professeur de SVT , dans une autre vie : c’est celui de Nicole Ferroni
« On me dit souvent que je suis lourde...
Oui mais c'est la faute à mon cœur, qui est lourd comme mon humour .
Car malgré mon contrat de clown, l'actualité de la semaine m'a évidemment tiré la semaine plus de pleurs que de rires.
Alors vous me direz : Nicole, pourquoi avez-vous pleuré ? Qu'est-ce-qui alourdit vos yeux et votre cœur ?
Et ben, évidemment, je vais pas y aller par 4 chemins, parce que je n'ai deux jambes..mais comme beaucoup j'ai été très touchée par la mort aussi triste que violente de cet enseignant Samuel Paty.
Comme d'autres dans cette radio, enseignant c'est un métier que j'ai pratiqué, et même si c'était il y a longtemps, donc je n'ai plus beaucoup de la légitimité pour en parler... ça reste la famille.
Notamment d'abord pour l'humain que les enseignants ont fait de moi.. :
Que ce soit Mme Soulier cet instit qui nous apprenait la marseillaise tout en étant pas d'accord avec la strophe « un sang impur abreuve nos sillons..pardon, mais c'est d'une violence pour des enfants»
M Ferrera, prof de mathématiques qui montait sur la table une fois par an chuchotant : « l'administration m'autorise à monter sur le bureau pour rappeler que les vecteurs ça prend un petit chapeau »
Ou M. Laïk qui en nous apprenant que toute l'humanité avait pour berceau unique le rif africain..comptait bien en filigrane débarrasser nos esprits de toute cloison.
Il y en eut beaucoup d'autres..comme les professeurs Mauffrey et Munch..
Et tous, par leur culture et leur science m'ont transmis de belles valeurs.
Car enseigner que les humains ont le même corps et la même origine, c'est nous rendre fraternels.
Et savoir que 'humain n'est qu'une espèce ridiculement petit dans l'espace et dans le temps...que faire que tout est plus grand que nous..donc apprendre l'émerveillement, l'humilité et la dérision.
Pour cela, merci...
Et d'autant plus merci que, pour avoir été enseignante après, j'ai pu saisir dans quelles conditions se fait parfois cette vocation.
Car enseignant c'est un travail qui permet rencontrer la joie, mais aussi la difficulté, le doute et souvent la solitude.
Et c'est pas facile d'être seul capitaine de plusieurs classes de 30 et quelques élèves..car, de cette portion de société, on est parfois les seuls à en voir les manques.
Oui, parfois les professeurs sont parfois les seuls réceptacles de leurs élèves, mais aussi des parents, de l'administration, avec pas toujours d'endroit pour poser tout ça...car le droit de réserve, autrement celui de se taire, prévaut sur beaucoup d'autres droits...
Et même si certains leur crient d'en haut « Nous ne cèderons pas » c'est souvent aussi ceux qui ne nous aideront pas..car ils ne sont pas là dans les classes et que leurs oreilles ne sont pas toujours à l'écoute.
Donc c'est au professeur qu'il revient de composer seul avec les individus et leurs parcours, comme un capitaine doit composer seul avec les vents et des courants pour guider son bateau, dont il est le seul à la barre..
Et pire, en cas de problème, on lui demande parfois de ne pas parler trop fort à la radio..Le fameux #pasdevague d'un naufrage silencieux. Oui ramer ou couler, mais en silence s'il vous plaît !
Pourtant enseigner, c'est l'opposé de cette solitude que l'enseignant rencontre parfois.
Enseigner, c'est au contraire transmettre, c'est faire du lien..et construire des ponts entre les humains,
Comme enseigner une langue resserre le lien entre pays.
Comme enseigner l'histoire resserre le lien entre les générations.
Et comme enseigner n'importe quoi rapproche tout élève de son destin...car c'est lui donner des moyens pour devenir ce qu'il veut.
Bref, professeur, tu es souvent ce vase discret qui reçoit et qui verse... qui se remplit et redistribue. Tu es l'observateur et le soignant..ce parent très polyvalent, pas très cher payé pour un grand coût.
Et pour ces missions précieuses, personne ne devrait mourir de ce métier..
Ni même se sentir menacé, inquiété et abandonné.
Car professeur, tu es le meilleur jardinier de notre société. Tu es le magicien qui transforme, la gardien qui veille..le guérisseur qui soigne..
Pour tout cela, je te le redis : « Merci!
Belle et bonne lecture !
A la semaine prochaine
Je vous embrasse
Nicole